-10%
Le deal à ne pas rater :
PC Portable Gamer ASUS TUF Gaming F15 | 15,6″ FHD IPS 144 Hz – ...
599.99 € 669.99 €
Voir le deal
Le deal à ne pas rater :
Coffret dresseur d’élite ETB Pokémon EV06 Mascarade Crépusculaire
56.90 €
Voir le deal

Deux intellectuels africains analysent et proposent :"« Face à l’esclavage des Noirs, restaurer la dignité doit devenir une passion africaine »

Aller en bas

Deux intellectuels africains analysent et proposent :"« Face à l’esclavage des Noirs, restaurer la dignité doit devenir une passion africaine » Empty Deux intellectuels africains analysent et proposent :"« Face à l’esclavage des Noirs, restaurer la dignité doit devenir une passion africaine »

Message par Bernard Sam 25 Nov - 12:19

http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2017/11/25/face-a-l-esclavage-des-noirs-restaurer-la-dignite-doit-devenir-une-passion-africaine_5220237_3232.html

[size=32]« Face à l’esclavage des Noirs, restaurer la dignité doit devenir une passion africaine »[/size]

Dans une tribune au « Monde », l’écrivain sénégalais Felwine Sarr et le philosophe camerounais Achille Mbembe répondent aux révélations sur les traitements indignes des Noirs en Libye. Ils demandent aux Etats africains, dont ils fustigent la faillite symbolique, de réagir afin de mieux protéger leurs ressortissants.

LE MONDE | 25.11.2017 à 06h37 • Mis à jour le 25.11.2017 à 07h17 | Par Felwine Sarr (Ecrivain et professeur d'économie à l'université Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal)

Tribune. Nous le savions, mais refusions pleinement d’ouvrir les yeux et de prendre la mesure de ce qui se jouait. Les échos des traitements indignes infligés aux hommes et femmes noirs en Libye nous parviennent depuis un certain temps, mais étouffés par une accoutumance au chaos, à la violence aveugle, à ses expressions multiples, dans un univers désormais saturé par ses représentations les plus sordides : bombardements, décapitations, villes en guerre dévastées, ces faits nous semblaient lointains.

Sans doute ne désirions-nous pas nous confronter à une réalité qui raviverait la plaie, et qui dirait une fois de plus notre vulnérabilité passée et présente, la position peu enviable que nous occupons dans les représentations et les imaginaires de maints groupes humains.

L’image brutale de ces marchés aux esclaves où des Africains sont vendus aux enchères nous réveille et nous renvoie à la face cette réalité nue

L’image brutale de ces marchés aux esclaves où des Africains sont vendus aux enchères nous réveille et nous renvoie à la face cette réalité nue. Dans le premier quart de ce XXIe siècle, de jeunes Africains sont étalés comme du bétail sur des marchés d’esclaves et mis aux enchères en Libye – à 400 dollars en moyenne –, comme jadis lors de la traite transatlantique ou des traites transsahariennes. Les corps de ces jeunes Africains noirs sont volables, aliénables, corvéables ; on peut les soumettre aux pires sévices et inhumanités.

Le sujet africain de peau noire, le migrant, est devenu en ce XXIe siècle, comme l’indiquait Césaire, cet « homme-famine », cet « homme-insulte », cet « homme-torture » : on peut à n’importe quel moment le saisir ; le rouer de coups, le tuer parfaitement, le tuer sans avoir de compte à rendre à personne ; sans avoir d’excuses à présenter à personne. C’est à cette réalité effroyable que nous devons faire face.

On peut revenir sur les raisons d’une telle situation, même si elles ne suffiront jamais à nous dire comment nous en sommes rendus là. Elles sont multiples et s’imbriquent. Chaos libyen, dont Nicolas Sarkozy fut l’un des maîtres-d’œuvre, racisme endémique anti-Noirs dans de larges pans des sociétés arabes, politiques migratoires européennes, ordre géopolitique mondial, position stratégique subalterne de l’Afrique au sud du Sahara dans l’échiquier global, etc.

La jeunesse négligée par les Etats

Parmi ces raisons, l’incapacité des Etats subsahariens à fournir à de larges pans de leur jeunesse les conditions d’une vie digne sur le continent est la plus impérieuse. Cette situation a jeté ces jeunes sur les chemins d’un exil trop souvent tragique. A cela s’ajoute une faillite symbolique de ces Etats subsahariens, dont l’une des conséquences est le blanc-seing et le permis d’humilier octroyé aux trafiquants et racistes de tous bords, par leur incapacité à défendre, ne serait-ce que sur le plan des principes, la dignité de leurs ressortissants, quand ils ne sont pas les premiers à lui porter atteinte (insécurité économique, juridique, politique, psychique, physique…).

Lire aussi :   Au Maghreb, le racisme anti-Noirs persiste

C’est une pente savonneuse d’indignités consenties et cumulées qui nous a conduits à cette situation. Au début du conflit libyen déjà, des Africains ont été pourchassés, mis en cage et pogromés. En Mauritanie, l’esclavage héréditaire des Noirs perdure. Au Maroc, des migrants sont enfermés dans des centres de rétention financés par l’Union européenne, dans des conditions inhumaines, et parfois jetés et abandonnés dans le désert. En Algérie, des ratonnades sont organisées et des Subsahariens sont expulsés sous les prétextes les plus racistes (ils propageraient le sida, par exemple). En Tunisie, des étudiants sont quotidiennement victimes d’actes racistes, et tout cela sans aucune réaction audible de la part des Etats dont ces personnes sont les ressortissants.

Il n’est presque point d’endroit sûr pour un Africain noir sur cette terre

Ce silence assourdissant et cette aptitude à la non-réaction s’étendent à toutes les formes de racismes infligées aux jeunes Noirs de par le monde ; lynchage en Inde et en Russie, comparaison des Africains à des animaux dans un musée en Chine, meurtres d’Africains-Américains aux Etats-Unis, etc. Il n’est presque point d’endroit sûr pour un Africain noir sur cette terre. Nos chefs d’Etats sont « Charlie » ; mais quand il s’agit de leurs compatriotes, leur indignation se fait outrageusement silencieuse. Une absence criarde de leur part d’une parole politique restauratrice, qui sonne comme un acquiescement aux traitements indignes qui leur sont infligés par les autres.

Ce consentement aux indignités infligées à leurs ressortissants commence déjà par la signature d’accords dits de « réadmission », contre quelques subsides et l’apathie devant les traitements dégradants infligés aux Africains expulsés par les polices européennes et nord-africaines. De rares fois, des Etats ouest-africains (le Sénégal et la Côte d’Ivoire) ont organisé des rapatriements de leurs citoyens en déshérence vers leurs pays d’origine ; migrants dont les transferts de fonds rapportent pourtant au continent plus que l’aide publique au développement.

Refuser les postures victimaires

Pour en revenir aux migrants, c’est comme si leur départ scellait l’exclusion d’une communauté du souci et d’un devoir de protection. Faire communauté, c’est protéger ses membres de toute forme de vulnérabilité où qu’ils soient. Il est des pays qui déclenchent des opérations armées pour aller chercher un de leurs ressortissants.

Ce défi, nous peinons à le relever depuis quelques siècles. Lors de la traite transatlantique, une partie des élites du continent faillit au devoir de protéger en collaborant à cette entreprise. Celle-ci, avec le chaos dont elle fut porteuse, déstructura les sociétés africaines durablement et y obéra la confiance. Nos communautés ont depuis perdu la capacité de protéger et de prendre soin de leurs membres.

Que faire ? Restaurer la dignité est la première des urgences. Refuser le statut de victime expiatoire que l’on veut nous assigner un peu partout dans le monde, sous prétexte que nous serions pauvres. Pour cela, il est impérieux de passer d’un régime de la plainte à celui de l’imposition au monde du respect de notre intégrité et de notre humanité et cela, comme principe non négociable que nous plaçons au-dessus de tout, dans toutes les relations que nous articulons avec les autres.

Lire aussi :   Des Camerounais témoignent : « En Libye, on nous vendait comme des légumes »

Aussi, faut-il en finir avec toutes les postures victimaires ainsi qu’avec l’impérialisme compassionnel qui en est la face inversée, en refusant toutes les formes d’aides, de commisération et de traitements qui nous installent et nous maintiennent dans une position de subalternité.

Seule la lutte émancipe les peuples

Nul ne s’est libéré dans l’Histoire par la magnanimité de l’oppresseur. Seule la lutte émancipe et pour cela les vertus qui comptent sont le courage, le refus primal de l’abject que l’on souhaite vous infliger, l’estime de soi et l’intransigeance dans sa préservation. Les exemples des luttes politiques et sociales des hommes et femmes africaines à travers l’Histoire sont légion. Des résistances aux traites négrières et au fait colonial, en passant par les luttes abolitionnistes depuis les nègres marrons [en Jamaïque] jusqu’aux mouvements des droits civiques aux Etats-Unis et celles pour l’abolition de l’apartheid [en Afrique du Sud], témoignent de cette capacité des Africains et de leurs descendants à se libérer des servitudes.

De la saison de l’oppression les prisonniers se libèrent souvent seuls. Le génocide des Tutsi au Rwanda s’est fait au grand jour, sous le regard de la communauté internationale. C’est le Front patriotique rwandais (FPR) qui, par la lutte, l’a arrêté. Et d’ailleurs, il est significatif que le Rwanda soit le pays africain le plus intransigeant sur le respect de la dignité de ses citoyens et ne tolère aucune atteinte, ne fût-ce que symbolique, à celle-ci.

Ce combat pour la restauration de la dignité, nul ne le mènera à notre place. C’est au fond une lutte pour l’humanité de tous

Nos Etats doivent être intraitables contre toutes les formes de discrimination, de racisme et d’atteinte à l’intégrité psychique et physique de leurs concitoyens. Aussi, doivent-ils en finir avec l’accommodement et le consentement aux indignités en mobilisant dans de pareilles circonstances toutes les ressources politiques, juridiques et symboliques à leur disposition pour signifier leur refus absolu de toute abjection (action en justice, rappel et renvoi d’ambassadeurs, boycott de pays et de sommets internationaux, sanctions économiques, parole politique publique exigeant justice et réparation, usage de la force militaire si nécessaire…).

Ce combat pour la restauration de la dignité, nul ne le mènera à notre place. C’est au fond une lutte pour l’humanité de tous, mais conduite à partir d’une situation particulière.

Rééquilibrer les rapports internationaux

Une fois l’émoi dissipé, doit demeurer une froide détermination qui vise à offrir à ces millions de jeunes Africains sur le continent, que l’absence d’opportunités et la perte de confiance dans le souci que leurs Etats auraient d’eux jettent sur les routes, les conditions d’une vie digne. Travailler à les dévulnérabiliser. Cela requiert la construction de nations fondées sur un contrat social, ayant comme socle l’équité et le bien-être de tous, et mettant l’intégrité psychique et physique de ses concitoyens au cœur de ses productions politiques.

Pour cela, il est impérieux d’œuvrer à l’édification de démocraties substantielles dans nos pays, permettant la participation de tous à l’intelligence collective et au contrôle de l’action publique. Il est également nécessaire d’œuvrer à un rééquilibrage de nos rapports internationaux, qui nous sont souvent défavorables et nous privent des ressources (économiques, politiques et symboliques) nécessaires à cette tâche.

Redevenir sa puissance propre ne se fera que par un travail de respect de soi et d’exigence de celui-ci. Si la liberté est la capacité de se soustraire à toute forme d’oppression et de prédation, vu l’histoire récente du Continent, celle-ci doit être une passion africaine. Il est temps que les dirigeants des Etats africains en prennent la mesure et comprennent que l’œuvre de restauration et de préservation de notre dignité est la priorité absolue. Nous exigeons d’eux qu’ils assument courageusement cette charge.

Bernard

Messages : 153

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum