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Intervention de Bernard MIllereux lors du café du 17/12/15 qui précède celle de Gérard Sch.

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27122015

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Intervention définitive dans le café du 17/12/2015. Gérard Schumacher et Bernard Millereux.
Concernant l’intervention de Bernard Millereux : Sources essentielles :  «  Le cerveau et la pensée », direction Jean-François Dortier,  Sciences Humaines ; « Humain », Monique Atlan et Roger Pol-Droit, Flammarion ainsi que d’autres articles publiés par le Forum du café .
 
Le livre de J.F. Dortier, porte en sous-titre : «  Le nouvel âge des sciences cognitives » ;  certains pensent que ces dernières vont peu à peu « liquider »  ou, ce mot étant  caricatural, au moins, réduire le champ de la philosophie …. et cela au moment où « une réflexion philosophique indispensable a été laissée en jachère » et « où la continuité de l’espèce humaine est peut-être mise en cause ». (Humain page 14). Il faut donc se pencher, en 20/25 minutes d’intervention orale, sur le problème, entre autres, de savoir d’une part quelle est la difficulté centrale en philosophie de l’esprit et d’autre part si une conscience artificielle peut être créée.
Nous choisissons pour cela, essentiellement, outre les auteurs des livres, 3 philosophes et/ou neuroscientifiques : Monique Canto-Sperber, Damasio, et Chalmers.
La difficulté centrale de la philosophie.
On constate qu’il y a une « disparité », une dissemblance, entre d’une part le corps (y compris le cerveau), qui est « touchable », matériel, et d’autre part les pensées, qui ne peuvent être atteintes que mentalement, qui sont éprouvées « du dedans de notre esprit » et transmises aux autres (et reçues d’eux) par la parole et l’écriture. (NB : la notion de « dedans de l’esprit » n’est qu’une commodité de langage car les phénoménologues comme Sartre précisent bien qu’il n’y a pas de « dedans »«  dans la conscience  «  qui n’est rien que le dehors d’elle-même » !(dictionnaire de philosophie d’André Comte-Sponville : intentionnaiité).
Cette disparité entraîne deux options métaphysiques : le dualisme et le monisme.
Pour les dualistes (Platon, Descartes, les Pères de l’Eglise, ….), il y a deux substances ou réalités : la matière et l’esprit ce qui entraîne deux difficultés : comment passe-t-on des sensations matérielles à la pensée immatérielle ?comment cette pensée immatérielle peut faire agir le corps ?
Pour les monistes, il n’y a qu’une seule substance ou réalité, mais il faut choisir : soit la pensée, ce qui suppose qu’il y a un monde d’idées, sans matière : c’est l’immatérialisme (Le philosophe Berkeley, certaines sagesses indiennes, ….), soit la matière : Démocrite, Epicure, La Mettrie, etc.Ce qui entraîne, pour les monistes, deux difficultés : d’où provient la pensée ? Comment cette pensée peut-elle ëtre produite par des atomes ou molécules qui sont dépourvues de pensée ?
 
Pour la philosophe Monique Canto-Sperber,
 
Les hypothèses métaphysiques supra ne sont pas éliminables, qu’elles soient matérialistes ou spiritualistes, bien que le matérialisme ou naturalisme soit dominant.
En effet, rien n’empêche de penser comme Platon le dualisme, « non au sens où il existerait deux substances distinctes, esprit et matière, mais en soutenant que la réduction apparente de la pensée aux relations des neurones engage un niveau de complexité tel que c’est la définition même du rapport entre cerveau et pensée qui reste probablement à définir ». Donc « aucune des hypothèses métaphysiques ne peut à  première vue être exclue. Mais elles devront être validées par la science ».(Humain, page 204).
Et si, au lieu d’analyser directement le rapport neurone-conscience, on envisageait d’abord le corps, comme le neuroscientifique
Antonio Damasio.
L’origine de ses travaux consiste à s’appuyer sur l’hypothèse formulée au 19 ° siècle par le psychologue William James (livre en 1890) : l’émotion vécue par la conscience vient du corps et non l’inverse. Exemple de l’ours rencontré par un individu dans la montagne : ce sont les jambes de ce dernier qui tremblent d’abord et qui alertent la conscience ….. et non celle-ci qui fait tremble, par peur conciente, les jambes !
Pour Damasio, il y a d’abord un «  cerveau profond » où :
ès’engendrent les émotions premières qui soumettent les développements du cortex cérébral (qui pour ce neuroscientifique sont secondaires) à savoir le langage, la mémoire, l’imagination, etc. ….
èles neurones assistent et cartographient le corps.
Donc dans le cerveau, il y a des cartes mentales avec des données mises en œuvre par les émotions qui les réactualisent : les émotions sont, selon l’expression de Damasio, des « briques de construction ». Cela entraîne deux conséquences :
1)La construction de niveaux : chaque niveau se construit sur le précédent et inclut l’architecture de ce dernier. le type d’émotions les plus évoluées générées au niveau du cortex cérébral recouvre et contient le type d’émotions générées par le cerveau profond.
2)La construction progressive du soi : l’émotion possède une fonction vitale première qui est de piloter l’équilibre interne du corps et permettre  cette construction du soi avec d’abord le « proto-soi » qui produit les sentiments spontanés primordiaux, puis le « soi-noyau » qui produit les émotions les plus complexes (rencontre et échange avec les objets) et enfin le «  soi-autobiographique » correspondant au sujet humain conscient construit par l’ensemble des fonctions émotives. Ce soi correspondrait à l’image d’un chef d’orchestre qui serait absent avant l’exécution du morceau musical : « c’est l’exécution qui crée le chef -le soi- et non l’inverse ». La conscience résulterait donc de l’action de nombreux sites cérébraux au même moment et non d’un seul en particulier.
[NB : Ajout sur la liberté : Je n’ai pas eu le temps dans mon intervention d’évoquer son idée de capacité d’un système (que les auteurs nomment « homéostasie ») à maintenir son équilibre interne face à des perturbations extérieures ; la plus importante capacité est « socioculturelle » et est liée au développement du soi autobiographique , de la conscience, ce qui entraîne un intéressante analyse de la liberté que je vous livre en la citant  :
« … une marge de liberté existe pour les êtres humains, mais elle est toute petite, car nous sommes hautement déterminés par nos gènes, par notre développement, qui est probablement tout aussi  important que nos gènes. Il y a d’abord les gènes, le développement in utéro,  ce qui fait que dans les tout débuts de la vie on en sait déjà beaucoup sur ce qui peut se produire dans un sens ou dans l’autre. Mais il faut compter ensuite avec l’influence de la parenté et de la culture, durant l’adolescence et jusqu’à l’âge adulte. Ce que nous devenons est déterminé par toutes ces influences.
Cependant, jusqu’à un certain point, surtout quand on avance en âge, on a l’opportunité de dire : « non, je ne ferai pas cela ». L’individu peut donc parvenir à ce point, mais cette possibilité est à mon sens très restrictive. Il existe bien une liberté, mais ce libre arbitre consiste simplement dans la possibilité de dire « non ». De même, il existe aussi, selon moi, un libre arbitre collectif : il nous est possible, en tant que culture, de dire non à l’esclavage, à la haine raciale, etc. C’est comme un espace entrouvert  dans une porte où l’on met le pied et où l’on peut dire : « Là , j’ai mon mot à dire, et je peux dire non ». Voilà ce qui me rend optimiste et qui fait que j’admire la conscience, ce niveau essentiel de la conscience autobiographique. Sans lui, nous n’aurions pu développer aucun de nos instruments de culture. »].
Qu’en est-il de la continuité des espèces  et des philosophes ? « Elle existe au niveau des émotions. Puis, il y a une énorme ouverture qui vient de la construction du moi autobiographique, qui entraîne la mémoire, le raisonnement et éventuellement le langage, et qui permet enfin la création des outils culturels. Le point de bifurcation se situe au niveau de la culture. Mais j’ajouterai que même cette bifurcation se place à l’intérieur de la continuité. »
« …Certains philosophes sont chers à mon cœur : Spinoza, William James, David Hume. …. le type de questionnement auquel Spinoza se confrontait, et sa façon de s’y confronter, sont impressionnants. C'était un protobiologiste : il a anticipé d’une certaine manière les développements de la biologie. »
Au-delà de l’humain, qu’en est-il des machines pensantes ? « …. la conscience artificielle … est formellement possible. …. le vrai problème demeure : cet artefact sera-t-il capable d’éprouver des émotions de la même façon que nous expérimentons notre conscience humaine ? A mon avis, c’est peu vraisemblable. Car notre expérience est tellement liée à nos émotions, à ces émotions primordiales,  elles-mêmes liées à notre chair, à notre corps, que la ressemblance s’arrêterait là. Il n’y a pas de cerveau sans corps, sans un certain type de corps. …Etre conscient, c’est avoir cette image ressentie du corps et y être inclus. Donc, un artefact, qui n’aura pas un corps semblable au nôtre, ne possédera pas non plus une conscience semblable à la nôtre. »
Pour Damasio, donc, la conscience se situe dans une continuité biologique, à partir des émotions premières puis évoluées, briques de construction du cerveau : elle apparaît au cours d’une bifurcation « culturelle » qui se place toujours dans la continuité.
Mais nous allons voir que Chalmers fait de la résistance avec la conscience !
David Chalmers
Mathématicien, USA , venu du cognitivisme et devenu dualiste !
Il fait le tri entre :
èles problèmes faciles à résoudre : ce sont, avec les neuro-sciences, les mises en relation d’une aire du cerveau avec une activité mentale : langage, perception, comportement, fonctions intellectuelles… etc.
èle problème difficile à résoudre : « Etant donné que l’expérience consciente existe, pourquoi les expériences individuelles ont-elles leur nature particulière ? »
Il y a donc, pour lui, un fossé irréductible entre  l’expérience objective, c’est-à-dire « vue du dehors », de la conscience, et l’expérience subjective, c’est-à-dire « vécue du dedans », de la conscience.
Pour l’avenir :
èIl y aura un jour des créatures artificielles plus intelligentes que nous, plus capables de créer un système artificiel qui à son tour créera des systèmes plus intelligents que leur créateur.
èComment saurons –nous que n’importe quel système a une conscience ? Nous ne pourrons jamais le mesurer directement : c’est privé, subjectif. Si j’échange avec une machine à propos de phénoménologie, cela ne prouve pas qu’elle a une conscience….
Conséquences :
èconcernant la conscience, nous avons besoin, non pas de mesures objectives « du dehors », mais des mesures subjectives de l’intérieur même du système de la conscience ….  comme le souhaitaient certains psychologues du 19° siècle, William James et Fechner, avec une science sur des données en première personne.
èIl espère trouver des lois simples expliquant la connexion entre le cerveau et l’eprit et elles pourraient s’appliquer à tous les systèmes.
èL’idée d’un « panpsychisme » (tout dans le monde est conscient à un degré quelconque) le fascine bien qu’il ne la partage pas.
 
 
Les mots de « rupture », de « rêve », peuvent venir à l’esprit après les analyses précédentes.
 
 
 
Une rupture anthropologique ?
C’est l’expression qu’utilise le philosophe et historien Marcel Gauchet : pour lui, auparavant, le corps avait une objectivité appartenant au monde physique, avec laquelle il fallait s’arranger : la maladie, la mort, la douleur.
Maintenant, on vit le corps globalement de l’intérieur, comme un corps de bien-être et nous sommes incapables de faire face aux problèmes précédents, qui sont refoulés.
C’est donc une cassure, une rupture, par rapport à la totalité de l’expérience humaine.
 
Un rêve moderne ?
Concernant le rêve, Le philosophe Jean-Pierre Dupuy, disciple de Girard, a une référence essentielle : Hannah Arendt et son livre « la condition de l’homme moderne ». (1958).  « Le point essentiel qu’elle met en lumière, que j’ai repris et développé à ma manière, c’est que tout se passe au niveau des rêves, tout commence par des rêves. Nous devons nous intéresser d’abord aux rêves, tout autant qu’aux cauchemars, de la raison. Or, même s’ils ne se réalisent pas, le simple fait qu’ils existent comme rêves a un impact sur la condition humaine.
Hannah Arendt décrit justement ce rêve moderne. « Depuis quelque temps déjà, pas mal d’entreprises scientifiques ont eu pour but de rendre la vie artificielle, c’est-à-dire de couper le dernier lien à travers lequel l’homme appartient aux enfants de la nature. Cet homme futur, dont les savants me disent qu’ils vont le produire dans moins de cent ans, semble être habité par une rébellion contre l’existence humaine telle qu’elle nous a été donnéé – un don gratuit venant de nulle part. » Ce rêve, c’est donc d’abord pour elle une rébellion contre l’existence humaine telle qu’elle nous a été donnée. L’homme désire l’échanger, pour ainsi dire, contre quelque chose qu’il aurait fabriqué lui-même … »
 
Cette fabrication de « quelque chose » par l’homme, qu’il désire échanger contre l’existence humaine contre laquelle il est en « rébellion », est donc « un homme futur », qui, d’après  Ray Kurzweil, génie de l’informatique et PDG de Kurzweil Technologies (banlieue de Boston, USA) sera « un hybride de biologie et de non-biologie » et « au final, la part non biologique prédominera. Il ne s’agit pas d’un saut, mais d’une transition graduelle. »

Précisons que ce génie de l’infomatique ne représente qu’une variante du « transhumanisme » alors que, déjà, certains sont dans le rêve d’un « posthumanisme ».
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Bernard

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Intervention de Bernard MIllereux lors du café du 17/12/15 qui précède celle de Gérard Sch. :: Commentaires

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Message Dim 27 Déc - 19:31 par Bernard

Dans la partie que j'ai consacrée à Antonio Damasio, il faut lire (avec un ajout) :
"Qu'en est-il de la continuité des espèces et qu'en est-il des philosophes ?
Bernard Millereux

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